« Faire sans arrêt semblant », Camille Lacourt, Florent Manaudou et Yannick Noah sans filtre sur leur dépression

Publié le 7 mai 2025 par: Être Heureux
Diffusé ce 6 mai en prime time sur M6, le documentaire « Santé mentale, briser le tabou » donne un coup de poing salutaire à l’omerta qui entoure la dépression.
Porté par des témoignages de sportifs de haut niveau, il bouleverse les codes du discours public autour d’un mal encore largement incompris. Pour des millions de Français, la souffrance psychique reste un sujet honteux, souvent tus même dans l’intimité. Pourtant, ils sont trois millions à avoir vécu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois. Le documentaire, signé Amandine Chambelland et Peggy Olmi, aborde de front ce fléau silencieux, à travers les récits sans fard de personnalités comme Yannick Noah, Camille Lacourt ou Florent Manaudou. Pour la première fois, ils racontent à visage découvert la descente intérieure derrière les médailles, les projecteurs et l’admiration collective. Ces confidences, bouleversantes, viennent pulvériser le tabou d’une souffrance souvent minimisée.
Yannick Noah : la victoire comme un gouffre
Idole du sport français, Yannick Noah incarne à lui seul une réussite éclatante et une détresse ignorée. En 1983, alors qu’il remporte Roland-Garros, le pays célèbre un héros. Mais dès le lendemain, il sombre. « Tout le monde pensait que je vivais ma meilleure vie, mais j’avais envie de me foutre en l’air », confie-t-il. Seul, errant dans Paris, il regarde la Seine et songe à en finir. Loin de ses parents, élevé au Cameroun, il avoue avoir longtemps cherché, dans les applaudissements du public, un amour maternel manquant. Derrière la lumière, le vide. Derrière le sourire, le silence d’une douleur tue.
Florent Manaudou : la chute après l’ivresse des Jeux
Médaillé olympique, Florent Manaudou raconte lui aussi le choc brutal de l’après-compétition. Une fois les objectifs atteints, le vertige : il tombe en dépression. Il s’isole, se cache, et ressent une immense culpabilité de se sentir si mal alors qu’il a, sur le papier, « tout pour être heureux ». « On est vu comme meilleurs que tout le monde. Alors, avouer qu’on est moins bien que les autres, c’est compliqué », explique-t-il. Il tente de vivre son mal-être à sa manière, refuse les antidépresseurs, mais accepte les anxiolytiques. Et assume : « J’aime bien toucher le fond… donc quand je le touche, je le touche vraiment. »
Camille Lacourt : la bouteille pour remplir le vide
Champion du monde de natation, Camille Lacourt évoque un effondrement progressif, déclenché après les JO de 2012. Le vide s’est installé lorsque sa fille était absente, une semaine sur deux. Pour apaiser cette absence, il se tourne vers l’alcool. « Il fallait que je remplisse ce vide que j’avais au fond de mon ventre », confie-t-il. Il parle de sa fille comme d’un point d’ancrage, une « béquille » qui l’empêche de sombrer totalement. S’il n’a jamais pris de traitement, il consulte des psys du sport depuis l’adolescence et dénonce avec force les idées reçues sur la dépression. « Ce n’est pas une faiblesse. C’est justement un truc de gens forts. »
Tous les témoins du documentaire partagent ce même combat contre l’injonction au bonheur permanent et la dissimulation émotionnelle. Camille Lacourt, notamment, insiste sur la « charge mentale de faire semblant » : « J’ai souvent le rôle du mec drôle, du boute-en-train… alors je faisais des blagues, mais je faisais semblant. » Cette mascarade sociale, ce poids invisible qu’on impose à ceux qui vont mal, le documentaire le démonte, pièce par pièce. Il ouvre un espace de parole et de reconnaissance, nécessaire pour tous ceux qui, sans être champions, se battent chaque jour contre une douleur que l’on ne voit pas.